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23 octobre 2010 6 23 /10 /octobre /2010 10:46

- Mais pourquoi, dans ce cas, ils ne discutent que du voile ? Il y a bien d’autres adorations que les musulmans  pratiquent en minorité, non ?

- Ils ne discutent pas que du voile justement, Zeynab ! Toutes les pratiques religieuses, visibles et publiques, qui sont pratiquées par une minorité de musulmans sont discutées. On ne discute pas du fait que les musulmans prient mais on en discute quand ils prennent au sérieux le fait de prier à l’heure et qu’ils organisent leur journée, ou choisissent un travail, en fonction de cela. On ne discute pas du fait que les musulmans ne boivent pas d’alcool mais on en discute quand ils ne se mêlent pas aux réunions alcoolisées ou demandent à ce qu’il n’y ait pas d’alcool à table. Par contre, on ne discute pas du jeûne. Pourquoi ? Parce que la très grande majorité des musulmans jeûnent. La norme, c’est de jeûner. Ceux qui ne jeûnent pas sont hors norme. Alors pour les gens, le jeûne est bien une prescription islamique. Même les politiques et les journalistes n’osent pas prétendre le contraire. Et de ce fait, on n’imagine pas que quelqu’un ne jeûne pas sans avoir une raison islamique pour cela. Ainsi quand il s’agira de permettre au footballeur de ne pas jeûner les jours de match, le sélectionneur de l’équipe de France va prétendre que « l’islam permet de ne pas jeûner quand c’est difficile ». Vous voyez ? L’islam est revenu au cœur des discussions dans ce cas. Personne ne va discuter le caractère obligatoire du jeûne en islam ! On ne fait pas comme pour le voile en disant qu’il y a deux avis et deux écoles pour le jeûne : une école qui dirait qu’on doit jeûner, et une école qui dirait qu’on n’est pas obligé de jeûner.

- Mais oui, c’est clair !

- Ce sont uniquement les pratiques visibles, publiques qui sont discutées lorsqu’elles sont accomplies par une petite partie des musulmans. Et dans ces cas-là on ne cherche pas l’avis de l’islam, on ne fait plus référence à l’islam. Un jour, l’une de mes collègues m’a vu avec des écouteurs sur les oreilles à mon bureau. Elle m’a demandé ce que j’écoutais. Quand je lui ai dit que c’était le Coran, elle s’est écriée : « Oh ! Mais donc vous êtes intégriste ! »

- C’est impressionnant ! Juste pour ça ?

- Oui, juste pour ça. Mais ce n’est pas rien. Elle a perçu comme une pratique rare le fait que je tienne à écouter le Coran jusqu’au travail. Pour elle, il y a peu de musulmans qui écoutent le Coran comme cela. Elle m’a perçu comme appartenant à une minorité et a assimilé cela à de l’intégrisme, une exagération dans laquelle la majorité des musulmans ne tombent pas. Elle n’a pas essayé de voir le rapport entre écouter le Coran souvent et l’islam, elle a juste vu mon attachement au Coran comme quelque chose de rare, donc de suspect. 

- Suspect ? Oui, ça y ressemble, Jaddi.

- C’est comme cela qu’on parle des minorités. On ne cherche pas à savoir si les femmes voilées ont raison ou pas religieusement, non. On discute des raisons « pas nettes » pour lesquelles elles tiennent à porter leur voile. Quelles sont leurs revendications politiques, ethniques, sociales ? Pourquoi cherchent-elles à se distinguer de la masse ? Pourquoi cherchent-elles à se montrer, à en faire trop, à sortir de la norme ? Et on s’interrogera sur les problèmes psychologiques, ou économiques et sociaux, qui leur sont spécifiques. Ont-elles quelque chose à prouver ? Ont-elles été forcées ? Par leur père, leur frère, leur mari ? Sont-elles timides, soumises ? Se sentent-elles inférieures aux hommes ? Pourquoi ne s’émancipent-elles pas ? Quelle structure psychique les pousse à se laisser manipuler de la sorte ? Pourquoi ont-elles cette lecture rétrograde et minoritaire de l'aspect vestimentaire ? Et accessoirement, dans un souffle humaniste dégradant, comment faire pour les sortir de leur galère ? Voilà ce que c’est que de les traiter en minorité. En fait on oublie le lien entre le voile et l’islam et on cible uniquement la porteuse du voile.

- Et c’est pareil, comme tu l’as dit tout à l’heure, dans l’autre sens, non ? Tu as dit que les musulmans eux-mêmes traitaient les sœurs voilées comme une minorité. Ils ne communiquent pas réellement sur le voile dans l’islam mais sur les sœurs elles-mêmes, leurs capacités, leur force, leur courage… L’image du verre à moitié plein, quoi. 

- C’est exact. C’est une bonne chose de reconnaître les mérites des femmes voilées, mais il faut rester mesuré et mettre en avant, quand on parle d’un ordre d’Allâh, ses propres manquements avant de souligner la piété des autres. Parce que sinon, quoi qu’on en dise, quelle que soit notre intention, on aura isolé les femmes voilées dans la communauté, en faisant d’elles des êtres à part, et en dehors de la société. Exactement comme le font les « musulmans » qui sont officiellement contre le voile, et les sociétés non musulmanes. Cela se passe même dans les pays à forte population musulmane. On traite les gens attachés à la sunnah du Prophète, ‘alayh-is-salâm,  comme une minorité. Même ceux qui reconnaissent que c’est ce que l’islam nous demande. D’une côté, ils sont critiqués, on leur dit qu’ils en font trop, qu’ils divergent de la société, qu’ils cherchent à causer des problèmes et la désunion, ou même qu'ils rejettent les autres et ne les respectent pas. D’un autre côté, au contraire, on les encense en disant qu’ils ont atteint un haut niveau de spiritualité. On les affuble de noms stigmatisant, comme au Sénégal ou en Tunisie. Des noms qui stigmatisent leur tendance à être attachés à la sunnah et qu’on utilise autant pour les encenser que pour les railler.

- Subhânallâh !

- Vous comprenez donc ce qui se passe quand on traite comme une minorité les musulmans qui veulent suivre leur religion de manière scrupuleuse ?

- Oui, on en arrive ne plus traiter leurs pratiques en fonction de l’islam. On fait des hors-sujet comme tu le disais tout à l’heure !

- C’est ça. On parle des questions islamiques, mais en les rangeant dans les mauvaises catégories. Pour le voile, la bonne catégorie, c’est « la pudeur ». Et c’est un sujet qui a une importance fondamentale et de nombreuses applications en islam. Quand on touche à la pudeur, on touche à l’îmâne, comme vous le savez, et donc à l’entrée au Paradis. Quand on parle du voile, on doit parler de l’îmâne, de la pudeur, de la satisfaction du Créateur, du Paradis et de l’Enfer... Ce n’est pas un sujet indépendant de la religion. On ne peut pas le traiter sans parler de religion.

- La pudeur, oui, exact, Jaddi. Mais le problème c’est que c’est une notion floue et que chacun a sa propre définition de la pudeur, non ?

- Sans doute. Mais là on parle de la pudeur islamique. Vous comprenez l’enjeu, n’est-ce pas ? Comme on l’a vu tout à l’heure, le problème c’est que les uns et les autres ont retiré l’islam de leurs discussions sur le voile. Aussi, pour en parler correctement, il faut réintroduire l’islam. En islam, le voile n’est pas une question de niveau socio-économique ou de revendication politique et sociale, ni de niveau intellectuel ou spirituel, mais une question de pudeur. Après cela, qu’on soit d’accord avec la définition islamique de la pudeur ou pas, peu importe, mais au moins on aura remis l’esprit de l’islam au cœur de la question du voile. C’est clair ?

- Oui. Mais la plupart des gens ne sera pas d’accord avec cette définition de la pudeur, c’est sûr !

- Sans doute et ce n’est pas dramatique. Ce qui est problématique encore une fois, c’est que ce sont les musulmans eux-mêmes qui remettent dans le jeu des définitions non islamiques de la pudeur.

- Tout est de la faute des musulmans, quoi ?

- Non, ce n’est pas ça, Hasan. Les politiques et les journalistes, en grande partie, ne sont pas honnêtes sur ces questions. Ils ont leur propre message à faire passer. Alors, que nous communiquions bien ou pas ne change rien pour eux. Mais les gens du peuple, notre famille, nos voisins, nos collègues, eux, ne sont pas anti-islam par principe, mais parce qu’ils sont désinformés. Et cette désinformation est d’abord de notre fait. Combien de fois en entend les gens dire qu’ils connaissent de bons musulmans qui pourtant boivent de l’alcool, ne jeûnent pas, ne prient pas, ne porte pas le voile ou la barbe… Alors, oui, Hasan. Nous sommes fautifs parce que nous sommes les seuls, avec nos savants, habilités à communiquer sur la religion islamique, à condition de ne se baser que sur des références authentiques et de s’en tenir aux consensus dans la communauté, depuis son origine. Si nous communiquons mal, l’islam sera mal compris. Si nous divergeons, les non-musulmans vont bien entendu retenir la version qui leur convient le mieux, celle qui leur parle le plus. Beaucoup de musulmans et de musulmanes disent que de ne pas porter le voile n’empêche pas d’être pudique ou qu’on peut porter le voile et être pourtant moins pudique que celles qui ne le portent pas. Cette façon de présenter les choses perturbe la transmission du message à des gens qui ont déjà des définitions assez étranges de la pudeur. En France, par exemple, on trouve des nudistes qui disent avoir de la pudeur. Alors que dire des femmes non voilées !

- Oh, oui ! Je me souviens d’un acteur français qui disait dans une interview qu’il était tellement pudique que les choses qu’il faisait dans les films – il prenait l’exemple de films où il se dénudait – il ne le faisait pas dans sa vie privée !

- C’est assez typique. Souvent on réduit la pudeur à certains aspects de la personnalité humaine seulement. Mais en islam, la pudeur n’est pas une branche de l’îmâne pour rien. Elle touche absolument tout. Et nous avons besoin d’une définition islamique complète de la pudeur. Par la grâce d’Allâh, le Prophète, ‘alayh-is-salâm, nous la donne dans ce hadith, que les savants jugent bon sinon authentique, et que l’on trouve chez At-Tirmidhiyy et chez Al-Hâkim. Le Prophète a commencé par ordonner aux compagnons ceci : « Soyez pleins de pudeur vis-à-vis d’Allâh. Éprouvez envers Lui une pudeur réelle, forte et sincère. » 

- Ça veut dire quoi ?

- Patience, Zeynab. Le hadith est là pour répondre à la question. Déjà, ce qu’on peut dire c’est que certains savants ont expliqué que cela signifie « craignez Allâh réellement ».La crainte, c’est la taqwâ, comme vous le savez. Et la taqwâ, c’est, comme le disaient certains de nos pieux ancêtres, un voile entre l’homme et ses péchés. C’est ce qui empêche de faire n’importe quoi. Et cela est confirmé par cet autre hadith très connu, un hadith authentique que l’on trouve chez Al-Bukhâriyy, dans lequel le Prophète, ‘alayh-is-salâm, nous apprend que chaque peuple a appris ceci de son prophète : « Si tu n’éprouves aucune honte, aucune gêne, aucune pudeur, fais donc ce que tu veux ! ».

- Ce qui signifie que la pudeur est ce qui empêche de faire du mal, c’est ça.

- Oh ! Tu sais Hasan, les savants ont donné plusieurs interprétations de ce hadith. Mais elles se rejoignent disons sur trois choses, qui nous intéressent particulièrement ici : la pudeur a une importance primordiale aux yeux d’Allâh, elle englobe l’ensemble de ce qui fait l’être humain, elle empêche l’homme de faire ce qu’il ne veut pas qu’Allâh et que les hommes de bien le voient faire.

- J’ai bien compris, al-hamdu lillâh. Donc quelle est cette définition islamique de la pudeur ?

- Eh bien, quand le Prophète, ‘alayh-is-salâm, a ordonné aux compagnons d’être véritablement pudiques vis-à-vis d’Allâh, ils ont répondu : « Ô envoyé d’Allâh, nous sommes pudiques et al-hamdu lillâh. » C’est une réponse pleine de soumission à Allâh et pleine d’humilité. Ils ont voulu faire savoir au Prophète, ‘alayh-is-salâm, qu’ils n’étaient pas impudiques et ont remercié Allâh pour cela. Mais comme le soulignent les savants, ils n’ont pas prétendu être parvenus à la vraie pudeur, ni même la connaître. En ce sens, leur réponse est une demande d’éclaircissement. Et le Prophète leur a dit : « Non, ce n’est pas cela. La vraie pudeur vis-à-vis d’Allâh, c’est de préserver sa tête et ce qui est lié à elle, ainsi que son ventre et ce qui est lié à lui, et c’est de penser à la destruction et à la mort ; et que celui qui désire l’Au-delà délaisse la beauté illusoire de cette vie-là. Ainsi, celui qui a fait cela éprouve de la réelle pudeur vis-à-vis d’Allâh. » C’est clair pour vous ?

- C’est étrange, c’est à la fois clair et pas clair. Le message général, je le comprends : la pudeur touche tout. Mais certains points ne sont pas clairs pour moi. Que veut dire « ce qui est lié à la tête » et « ce qui est lié au ventre » ?

- Déjà, voyez une chose. La vraie pudeur est une protection. Une protection permanente. Ensuite elle touche tout le corps humain et l’ensemble du comportement. Et elle touche l’intérieur de l’homme. N’oubliez pas que la pudeur fait partie de l’îmâne, qui est, comme vous le savez, composé des croyances, des paroles et des actes[1]. Alors la pudeur prend naissance à l’intérieur. Pour préserver son corps, il faut avoir des raisons de le faire, des motivations. Ces motivations sont, comme nous l’explique le Prophète ici, ‘alayh-is-salâm, de penser à la tombe, de penser souvent qu’on va vers la mort quelle que soit l’importance qu’on donne et l’amour qu’on éprouve pour cette vie-là. La pudeur marche avec l’amour de l’Au-delà, et la vie d’ici-bas, courte et trompeuse, ne fait que démolir cette relation. Alors quand on a conscience en permanence qu’on va mourir et qu’on va tout laisser ici, sauf ce qu’on aura fait pour Allâh, on va se préserver. Préserver sa tête, c’est-à-dire qu’on ne va pas l’utiliser dans la désobéissance. En particulier, on ne va pas se prosterner devant un autre qu’Allâh, on ne va pas la baisser par ostentation pour un autre qu’Allâh. On garde la tête haute, on ne s’humilie que devant Lui. Et ce qui est lié à la tête, c’est la langue, les yeux, les oreilles. Le vrai pudique va être très attentif à ne pas les utiliser dans la désobéissance, à ne pas regarder ni écouter n’importe quoi, à ne pas parler de manière déshonorante et illicite. Remarquez une chose importante pour la suite, les enfants. Quand le hadith parle de préserver ses yeux, cela comprend le fait de ne pas regarder la nudité d’autrui. On y reviendra in châ Allâh.

- Donc c’est la même chose pour le ventre. Protéger son ventre c’est le protéger de la nourriture illicite, c’est ça ?

- Tout à fait. Et ce qui est lié au ventre, c’est…

- C’est le reste du corps. Les parties intimes, les jambes, les mains, les pieds qu’on ne doit utiliser que dans le bien.

- Bravo. Et il y a le cœur également. Qu’on doit préserver de toutes les impuretés. Vous avez compris ? Vous voyez, la pudeur concerne l’obéissance à Allâh, par le cœur, la langue, l’ensemble du corps et du comportement. La pudeur, c’est se préserver de la désobéissance. Alors, Hasan, comprends-tu pourquoi ce sujet te concerne autant que tes sœurs ?

la suite

[1] Voir le texte « L’îmâne n’est pas que dans le cœur », dans notre livre Jaddi Chrif raconte les Grandes Notions de l’Islam. Éditions Avant l’Heure, 2010.

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